Le duel fatidique

26 Mars 1208. Plages edeniennes.
L'Incomparable avait ôté son armure. Il avait gardé son casque. Ses muscles étaient à nu dans son tricot de cuir. Ses biceps tremblaient légèrement, attendant que l'ordre leur soit donné de rentrer en action.
Hakim était en face, debout lui aussi. Il était mieux vêtu que l'Incomparable. Sa veste de velours incrustée de fils d'or était assortie à ses bas. Il avait ôté ses habits maures et troqué son foulard contre un casque de son pays.

Les armes furent distribuées. Hakim prit de sa dextre un sabre à la poignée d'or, lame recourbée, courte, et de sa senestre un bouclier petit mais solide, à pointe, en or.
L'Incomparable ne prit pas immédiatement ses armes. Il croisait les bras contre sa poitrine. Il prit un ton grave, accentué par son casque :
« Hakim. Tu m'accuses injustement d'un crime qui n'est pas mien. En 1190, quand nous devions attaquer Harlem Al Hamein, je me suis opposé à l'attaque. Mais rien n'y fit. Nous attaquames. Mais lorsqu'ils commencèrent à violer les femmes, je prit mon courage à deux mains et combattai les croisés. J'en tuai douze pour sauver trois femmes. Nous partîmes loin, vers Daar Es Salaam. Ton grand père fut bon avec moi et je séduit ta mère. Mais, l'apprenant, ton grand-père me fit torturer. Il causa à ma figure des dommages irréparables. Ceux-ci. »
Sur ce, il ôta son casque, découvrant ses blessures. Un tressaillement traversa la foule. Eragon, qui n'avait jamais vu le visage de son ami, écarquilla les yeux à sa vue. Le visage était abominable.
Brûlé, couvert de plaques rouges, incrusté de miliers de strilles profondes, il donnait l'impression d'être taillé dans du bois pourri.
« A cette époque, reprit l'Incomparable devant Hakim, horrifié, on me brûla le visage en me le fouettant. Je ne te décrirai pas les souffrances que j'endurai. Si je suis parti, abandonnant ta mère, c'était surtout pour la protéger de la vue de ce visage. Mais je l'aimais. Tu dois me croire. Si je te tue, aujourd'hui, j'aurais tué le fruit de notre amour. Si tu me tues, tu auras détruit l'objet de cet amour. Mais je me battrai. »
Sur ce, il prit une épée à une main, lourde, noire. Il prit un bouclier immense, également noir.
Puis, le juge se retira du lieu précis du combat. La foule se recula, formant un cercle large autours des deux duellistes.
Ce serait un combat à mort. Un seul vainqueur. Un seul vaincu. Un seul survivant. Un seul mort.

Hakim tournait en cercle, fixant son père. L'Incomparable était à l'antipode par rapport à son fils, fixant ce dernier.
Soudain, le maure s'élança. Son père se tourna brusquement et présenta son bouclier. Hakim continuait de foncer. Alors l'Incomparable plia la jambe d'appui et pencha son bouclier pour receptionner son fils. Celui-ci fondit sur la plaque de métal. Son propriétaire fit basculer pour entraîner son fils. Ce dernier se déstabilisa et bascula par dessus son père. Il roula dans le sable. L'Incomparable se retourna et essaya d'abbattre son arme sur lui. Mais Hakim, prévoyant le coup, se roula par terre. L'épée frappa dans le vide et s'abbattit dans le sable. Hakim, à terre, se retourna, l'épée brandie. Il tournoya sur lui-même, tranchant un tendon. L'Incomparable, sous l'effet de la douleur, lacha son épée et son bouclier. Ils tombèrent à terre, lui à leur suite. Tout était fini. Hakim se releva et brandit son épée. Il abatit la lame sur la nuque de son père. La tête tomba. La foule hurla, de joie pour les maures, de desespoir pour les edeniens.


Ainsi fut le combat que se livrèrent Hakim et Vivien de Lombarnières. Le fils et son père.